L’annonce de cette alliance a immédiatement suscité l’intérêt des acteurs économiques et financiers. Le Maroc, où plus de 70 % des transactions continuent de s’effectuer en espèces, se trouve face à un impératif de modernisation. Les ambitions affichées par Attijari Payment, filiale du groupe Attijariwafa bank, en partenariat avec Visa et Woliz, dépassent le cadre purement technologique : elles visent à instaurer une transformation structurelle de la relation entre commerçants, clients et finance formelle.
Pour comprendre la portée de ce protocole d’accord, il convient d’examiner les motivations de chaque acteur, les synergies technologiques mises en place et surtout les enjeux économiques et sociaux qui en découlent.
Une complémentarité stratégique
Attijari Payment apporte dans cette alliance la solidité d’une infrastructure bancaire intégrée et un savoir-faire reconnu dans l’acceptation et le traitement des paiements. En s’associant à Visa, le géant mondial des technologies de paiement, la filiale bénéficie d’un appui technologique qui garantit la fiabilité et la conformité internationale des solutions déployées. Enfin, Woliz, fintech marocaine en pleine ascension, incarne la dimension locale et l’agilité nécessaire pour toucher efficacement les commerçants de proximité.
Cette répartition des rôles illustre une dynamique de co-création où chaque acteur met ses atouts au service d’une vision commune. « Nous souhaitons offrir plus de simplicité et d’efficacité au quotidien pour faciliter les transactions », explique Fahd Bettache, Administrateur Directeur Général d’Attijari Payment. Ses propos mettent en évidence un objectif clé : donner aux commerçants, y compris ceux opérant dans l’informel, la possibilité de gérer des flux financiers modernes sans complexité technique.
Du côté de Visa, l’approche se veut inclusive et globale. « Notre collaboration vise à construire des ponts pour que tout type de commerçant puisse rejoindre l’économie numérique, avec des solutions fiables et accessibles », précise Sami Romdhane, directeur général de Visa Maroc. L’enjeu n’est pas uniquement d’introduire des terminaux ou applications, mais bien de faire entrer l’ensemble du tissu commercial marocain dans une économie digitale sécurisée et interopérable.
Enfin, Woliz, fondée par Kamal El Hardouzi, apporte sa proximité avec les réalités quotidiennes des utilisateurs. La start-up, qui a rapidement conquis une base de clients grâce à ses solutions simples et intuitives, s’impose comme relais opérationnel entre innovation bancaire et adoption terrain. « Nos partenaires recherchent avant tout des outils qui répondent à leurs besoins concrets, avec une grande simplicité d’usage », souligne son fondateur.
Réduire la domination du cash
Le Maroc figure parmi les pays d’Afrique où la proportion des transactions en espèces reste très élevée. Selon les données de Bank Al-Maghrib, plus de deux tiers des paiements du quotidien s’effectuent encore en cash. Cette prédominance ralentit l’inclusion financière, augmente les coûts liés à la gestion des espèces et prive de nombreux commerçants de l’accès à des services financiers modernes.
Le partenariat entre Attijari Payment, Visa et Woliz s’attaque directement à cette problématique. En facilitant l’adoption de solutions de paiement électroniques – qu’il s’agisse de cartes, de QR codes ou d’applications mobiles – il offre aux petits commerces une alternative crédible au cash. La digitalisation progressive des paiements contribue également à une meilleure traçabilité des flux financiers, condition essentielle pour ouvrir la porte à de nouveaux financements bancaires ou à des solutions de microcrédit.
Pour les commerçants, l’intérêt dépasse la simple modernisation : accepter des paiements électroniques signifie aussi élargir sa clientèle, notamment auprès des jeunes générations habituées aux solutions digitales et de plus en plus réticentes à utiliser de l’espèce.
Inclusion financière et montée en compétences
La transformation digitale des paiements ne peut se limiter à l’aspect technique. Elle doit s’accompagner d’un effort pédagogique pour permettre aux commerçants de comprendre et de maîtriser ces nouveaux outils. À ce titre, le partenariat affiche une volonté claire d’accompagner les bénéficiaires dans la montée en compétences financières.
Attijari Payment et Visa, habitués à développer des programmes de sensibilisation, envisagent de renforcer les initiatives locales de formation et d’éducation financière. Woliz, en tant qu’acteur de terrain, joue un rôle clé dans la vulgarisation et l’adoption. Ce modèle combiné pourrait transformer la manière dont des milliers de commerçants perçoivent et utilisent les paiements digitaux.
L’impact attendu se mesure à double échelle : d’une part, une meilleure résilience économique pour les petits commerces, souvent fragilisés par la volatilité du cash ; d’autre part, une contribution tangible à l’objectif national d’inclusion financière, inscrit depuis plusieurs années dans les priorités stratégiques du Maroc.
Un effet levier pour l’écosystème start-up
La présence de Woliz dans ce partenariat est particulièrement significative. Elle illustre la place croissante des fintech marocaines dans la redéfinition des services financiers. Contrairement aux grands groupes, ces start-up s’appuient sur une agilité et une capacité d’adaptation rapide aux besoins du terrain. En s’associant à des acteurs bancaires et internationaux, elles bénéficient non seulement d’une crédibilité renforcée mais aussi de perspectives d’expansion.
Le cas Woliz peut devenir un modèle pour d’autres jeunes pousses marocaines : démontrer que l’innovation locale, lorsqu’elle s’adosse à des partenariats structurés, peut avoir un impact national et international. Cet accord donne également un signal clair aux investisseurs : l’écosystème fintech marocain n’est plus en phase d’expérimentation, mais bien dans une logique de déploiement à grande échelle.
Perspectives économiques et sociales
Les répercussions de cette alliance dépassent le champ des paiements. En intégrant les commerçants à l’économie digitale, le Maroc réduit l’écart entre formel et informel, améliore la transparence des transactions et renforce la compétitivité de son tissu économique. À terme, cette dynamique peut stimuler la fiscalité, favoriser l’accès au crédit et contribuer à une croissance plus inclusive.
Le gouvernement marocain, qui a multiplié les initiatives pour accélérer la digitalisation des services financiers, voit dans ce type de coopération un relais essentiel pour atteindre ses objectifs. L’appui de Visa, acteur global, garantit également l’intégration du marché marocain dans les standards internationaux de paiement.
Au niveau social, la réduction de la dépendance au cash peut limiter certains risques liés à l’économie informelle, tout en offrant aux commerçants des perspectives d’évolution professionnelle. Le développement de solutions simples, accessibles même aux commerces de quartier, constitue une étape clé pour démocratiser la finance digitale.
Ce protocole d’accord illustre une tendance forte : la transformation digitale du Maroc ne se fait plus uniquement par l’État ou les grandes institutions, mais aussi par des alliances hybrides réunissant banques, multinationales et start-up locales. Cette approche collaborative offre une meilleure capacité d’exécution et une proximité renforcée avec les bénéficiaires finaux.
L’annonce du 26 septembre 2025 s’inscrit dans une séquence plus large de partenariats et d’initiatives visant à positionner le Maroc comme hub régional de l’innovation financière. Pour les commerçants, la promesse est simple : accéder à des solutions fiables, rapides et adaptées à leur quotidien. Pour le pays, l’enjeu est stratégique : réduire le poids du cash, accroître l’inclusion financière et renforcer sa place dans l’économie numérique mondiale.