Investissement record pour les startups au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : l’ascension irrésistible du capital-risque en 2025

Le marché du capital-risque au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) a pulvérisé tous les records en septembre 2025, avec 3,5 milliards de dollars investis dans 74 opérations. Ce niveau historique témoigne d’un rebond spectaculaire du secteur, dopé par des mégadeals saoudiens et la montée en puissance de nouveaux modèles économiques hybrides. Analyse d’un trimestre exceptionnel qui redéfinit les dynamiques de l’écosystème entrepreneurial régional.

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Overview of 2025 MENA investments in September showing charts, data visualizations, and regional analysis.

Selon les données compilées par Wamda, la région MENA a connu une progression inédite du financement des startups : +914% sur un mois et +1 105% sur un an, effaçant d’un revers la relative atonie d’août dernier (337,5 millions de dollars levés). Même en excluant le coup d’éclat du financement par dette (2,6 milliards de dollars), la dynamique reste impressionnante avec un bond de 147% sur un mois et 194% sur un an sur le seul segment equity. Cette envolée s’explique avant tout par l’appétit insatiable des investisseurs pour les pépites du Golfe, avecl’Arabie saoudite en chef de file, suivie des Émirats arabes unis et, plus loin, d’Oman et du Maroc. La vague d’opérations d’envergure, portée par les fintechs, symbolise le changement de dimension du capital-risque régional.

L’Arabie saoudite, nouveau moteur du venture régional

En septembre, Riyad et ses champions ont largement dominé la scène. Sur les 3,5 milliards levés, 2,7 milliards sont attribués à 25 startups saoudiennes, propulsant le Royaume au sommet du classement régional. Cette performance hors-norme s’appuie sur des méga-opérations menées par Tamara (2,4 milliards de dollars en dette), Hala (157 millions en sérieB), Lendo (50 millions) et Erad (33 millions), confirmant la vitalité du segment fintech. Le momentum s’est cristallisé lors du Money20/20, le rendez-vous incontournable du secteur, où pas moins de 15 opérations ont été annoncées. Cette surreprésentation s’inscrit dans la stratégie saoudienne de positionnement global sur la finance digitale, soutenue par des fonds souverains et la volonté d’ériger Riyad en hub régional de l’innovation.

Les Émirats arabes unis restent en embuscade, le Maroc à l’affût

En seconde position, les Émirats arabes unis affichent leur solidité avec 704,3 millions de dollars investis dans 26 startups. L’écosystème de Dubaï et d’Abu Dhabi, désormais mature, continue d’attirer des tickets importants, notamment dans les technologies financières, la proptech et l’intelligence artificielle. Oman complète le podium (7,7 millions de dollars pour trois startups), tandis que le Maroc confirme son ancrage, avec six opérations totalisant 6,8 millions de dollars.

Pour le marché marocain, cette percée reste symbolique à l’échelle régionale, mais elle témoigne d’une dynamique émergente : la scène tech marocaine attire de nouveaux investisseurs, même si les tickets restent modestes face aux mastodontes du Golfe. Les secteurs privilégiés, principalement la fintech, l’edtech et la logistique, illustrent une appétence croissante pour des solutions adaptées au contexte local, mais encore loin d’un effet d’entraînement massif.

À l’opposé, l’Égypte poursuit sa traversée du désert, victime d’une conjoncture macroéconomique dégradée et d’une volatilité monétaire qui freinent les investisseurs : sept opérations seulement, pour 3,2 millions de dollars levés.

La fintech règne sans partage, la proptech se distingue

Le secteur des technologies financières rafle la mise, avec 2,8 milliards de dollars injectés dans 25 opérations en septembre. La proptech tire son épingle du jeu avec 528,6 millions levés, essentiellement grâce à la levée record de Property Finder (525 millions). L’intelligence artificielle, en forte progression sur les radars des investisseurs, attire 34,3 millions au travers de sept deals. L’HRtech – un secteur en phase d’accélération dans la région – capte 24,2 millions, confirmant la diversification progressive du capital-risque.

Au Maroc, les startups fintech commencent à structurer un début d’écosystème, soutenu par l’intérêt des banques et d’acteurs institutionnels : l’accès aux fonds reste néanmoins contraint par la taille du marché et une réglementation encore en construction pour le capital-investissement digital. Sur la proptech et l’IA, le Royaume affiche de premiers signaux, mais les volumes investis restent anecdotiques, soulignant la nécessité d’accélérer la structuration du dealflow et la montée en compétence des incubateurs locaux.

Prédominance des tours précoces, mais la maturité attire les gros tickets

Derrière le chiffre d’affaires colossal des méga-deals, ce sont les startups en amorçage qui dominent le flux d’opérations : 55 entreprises en phase early-stage ont collecté 129,4 millions de dollars, illustrant la vitalité et la diversité de l’écosystème. À l’inverse, les quelques tours de table tardifs captent la majorité des fonds : seulement quatre opérations pour 699 millions, preuve que les investisseurs cherchent à accompagner des scale-ups capables de consolider ou dominer leur verticale.

Pour les startups marocaines, la majorité des levées concerne encore l’amorçage et la pré-série A, avec une concurrence croissante sur les quelques fonds de capital-risque actifs dans le pays. La structuration d’un continuum de financement (amorçage, série A,série B…) reste un défi central pour passer à l’échelle et capter une part plus significative du capital régional.

Montée en puissance du modèle B2B2C

Pour la première fois, les startups combinant B2B et B2C (B2B2C) s’imposent, raflant 2,4 milliards de dollars via 15 transactions, devant les modèles purement B2C (557,3 millions, 23 deals) et B2B (456,3 millions, 36 deals). Cette tendance structurelle témoigne d’un glissement du marché vers des modèles hybrides, capables de capter la demande à la fois côté entreprises et consommateurs.

Au Maroc, l’adoption du modèle B2B2C commence à s’observer dans la fintech et la mobilité, sous l’impulsion de jeunes pousses qui cherchent à mutualiser leur base client tout en répondant aux besoins spécifiques du tissu économique local. Ce mouvement, encore embryonnaire, devra s’accompagner d’un appui renforcé des fonds et d’un meilleur accès à des clients institutionnels ou grands comptes.

Un écosystème encore marqué par le déséquilibre de genre

Malgré la vitalité du capital-risque, le déséquilibre entre fondateurs et fondatrices reste criant. Les startups fondées par des hommes captent 3,3 milliards de dollars, tandis que celles portées par des femmes n’obtiennent que 1,1 million (quatre deals). Le reste du financement est allé à des équipes mixtes, prolongeant une tendance observée tout au long de 2025 : la barre des 5% de fonds alloués aux startups dirigées par des femmes reste hors d’atteinte, malgré les discours sur la diversité et l’inclusion.

Ce constat s’applique également au Maroc, où la part des femmes fondatrices reste limitée, bien que de plus en plus visibles dans l’edtech et les services à impact. Les dispositifs d’accompagnement et d’accès au financement spécifiquement destinés aux entrepreneures demeurent rares, freinant l’essor de cette nouvelle génération de leaders.

Trimestre de tous les records : 6,6 milliards de dollars levés en neuf mois

L’analyse du troisième trimestre 2025 confirme la dynamique exceptionnelle de l’écosystème MENA, avec 4,5 milliards de dollars levés à travers 180 opérations, soit une progression de 523% par rapport au trimestre précédent. Le cumul des neuf premiers mois atteint 6,6 milliards de dollars pour 514 tours, dépassant déjà les totaux annuels enregistrés depuis 2021. Ce bond s’explique principalement par la dynamique saoudienne (3,2 milliards, 62 deals), suivie par les Émirats (1,2 milliard, 59 deals). L’Égypte (22,3 millions), l’Irak (16,5 millions) et le Maroc (14,5 millions) ferment la marche, reflétant une concentration croissante des capitaux sur les marchés les plus robustes.

Pour l’écosystème marocain, la performance annuelle reste en deçà des ambitions affichées, mais traduit une consolidation progressive de la scène startup et un intérêt accru des investisseurs étrangers pour le marché national, notamment dans l’offshoring, la digitalisation des services publics et l’industrie verte.

investissements dans les start-ups dans la région MENA
Infographie détaillant la répartition des investissements dans les start-ups dans la région MENA en septembre 2025.

La hiérarchie sectorielle se confirme, le financement alternatif s’installe

La fintech reste le secteur le plus financé, avec 3 milliards de dollars répartis sur 41 startups. La proptech, stimulée par des levées d’ampleur, se positionne en deuxième position (684 millions), devant le e-commerce (265 millions, 14 deals). L’alternative au financement traditionnel progresse, avec 12 startups ayant opté pour des instruments de dette au cours du trimestre. Cette diversification traduit une maturité croissante des marchés régionaux, qui expérimentent de nouveaux outils pour accompagner la croissance et l’internationalisation.

Le Maroc s’inscrit dans cette tendance, avec une montée en puissance des financements hybrides et des solutions alternatives, portées par la fintech et les plateformes de paiement. L’écosystème reste néanmoins dépendant de la capacité des régulateurs à assouplir le cadre juridique et encourager la création de véhicules d’investissement adaptés aux besoins des jeunes pousses locales.

Perspectives : vers une consolidation du modèle et une montée en gamme des acteurs

La flambée du capital-risque observée en 2025 constitue une nouvelle étape dans la structuration de l’écosystème startup au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le poids croissant de l’Arabie saoudite et des Émirats, la montée en puissance des fintechs et la diversification des modèles économiques augurent d’une consolidation du secteur autour d’acteurs capables
d’attirer des tickets supérieurs et de se positionner sur les marchés mondiaux. Les défis subsistent : fragmentation des marchés, environnement réglementaire hétérogène, faible part du financement féminin. Pour le Maroc, l’enjeu des prochaines années sera de renforcer l’attractivité de la place casablancaise et de consolider les passerelles entre startups,
investisseurs locaux et fonds régionaux. La professionnalisation de l’écosystème, l’émergence de fonds spécialisés et la densification des success stories sont les conditions pour voir émerger un véritable hub régional, capable d’attirer à la fois talents, capitaux et technologies.

 

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