Derrière une grande partie du web, il y a AWS. Le géant d’Amazon héberge des milliers de services en ligne, de plateformes e-commerce et de solutions SaaS utilisées au quotidien par des millions d’entreprises. L’incident survenu dans la région US-EAST-1 en Virginie du Nord a provoqué une panne brutale des deux services centraux du cloud : Elastic Compute Cloud (EC2), chargé de la puissance de calcul, et DynamoDB, base de données critique pour le stockage d’informations. Sans ces deux piliers, une multitude de services se sont retrouvés hors ligne en quelques minutes.
Les conséquences ont été immédiates et massives. Des géants du numérique comme Microsoft Outlook, Slack, Canva, Netflix, Prime Video, Signal ou encore Snapchat ont cessé de fonctionner. Des millions d’utilisateurs ont constaté des erreurs d’accès, des pages figées, voire des services complètement indisponibles. Même des plateformes gouvernementales, à l’image du portail fiscal britannique HMRC, ont été temporairement paralysées. Ce phénomène illustre à quel point un incident localisé dans une région serveur peut provoquer une onde de choc mondiale.
Pour les startups et scale-ups, fortement dépendantes du cloud pour héberger leurs produits et assurer la disponibilité de leurs services, cet événement agit comme un rappel brutal : la résilience technologique est devenue une question de survie. Beaucoup d’entreprises jeunes ont fait le choix du “cloud only”, misant sur la rapidité et la flexibilité d’AWS ou de ses concurrents. Mais cette dépendance, si elle réduit les coûts et le temps de déploiement, peut aussi se transformer en talon d’Achille lorsque l’infrastructure tombe.
La panne du 20 octobre met en lumière un problème structurel : la centralisation du cloud mondial. Quelques acteurs – AWS, Microsoft Azure, Google Cloud – concentrent la majorité des flux et des données numériques planétaires. Ce modèle, conçu pour l’efficacité, crée en réalité un risque systémique. Si un seul de ces acteurs vacille, c’est tout un pan d’Internet qui s’effondre. Les startups comme les grands groupes se retrouvent ainsi face à un dilemme : profiter des géants du cloud pour grandir rapidement ou diversifier leurs infrastructures au prix d’une complexité accrue.
L’incident rappelle l’importance d’un Plan de Continuité d’Activité (PCA), même pour les jeunes entreprises technologiques. Ce document stratégique doit permettre d’anticiper une panne, de cartographier les services critiques, de prévoir des mécanismes de bascule (multicloud, sauvegardes locales, serveurs miroirs) et de définir une communication de crise claire. Les startups les plus agiles, souvent en mode “always on”, doivent aujourd’hui intégrer cette dimension dans leur culture produit et leur gouvernance.
Peu avant midi, Amazon annonçait que les équipes techniques avaient identifié la cause du problème et engagé des mesures d’atténuation. Le retour à la normale a été progressif, mais certaines plateformes dépendantes ont mis plusieurs heures à retrouver un fonctionnement stable. Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident se produit : AWS avait déjà connu plusieurs pannes majeures ces dernières années, affectant massivement des services mondiaux. Cependant, la montée en puissance du cloud dans tous les secteurs économiques donne à chaque nouvel épisode une portée bien plus large.
Pour l’écosystème numérique, et particulièrement pour les startups en pleine croissance, la panne du 20 octobre 2025 agit comme un test de maturité technologique. Elle démontre que la performance et la scalabilité ne peuvent se penser sans redondance, ni anticipation des crises. Le recours à un modèle multicloud – combinant AWS, Azure, GCP ou des acteurs régionaux – n’est plus un luxe, mais une mesure de sécurité.
À long terme, cet incident pourrait aussi accélérer la réflexion sur la souveraineté technologique et la décentralisation du cloud, notamment en Europe et en Afrique, où de nouvelles initiatives cherchent à bâtir des infrastructures locales capables de réduire la dépendance aux géants américains. Pour les entrepreneurs, l’enjeu est clair : bâtir des entreprises résilientes, capables de fonctionner même lorsque les fondations du web vacillent.
Le 20 octobre restera donc comme une date de référence : celle où une panne chez AWS a rappelé que, derrière la promesse d’un Internet fluide et sans limite, se cache une infrastructure fragile et concentrée. Pour les startups du monde entier, c’est un avertissement utile : dans le cloud, la vitesse ne suffit pas — la robustesse est désormais le véritable avantage compétitif.